Répertoire contemporain du shô
Mardi 1 Juin 2021
Salle Stravinsky, IRCAM
Mardi 1 Juin 2021
Salle Stravinsky, IRCAM
Longtemps indissociable de l’ensemble instrumental de la musique de cour gagaku, l’orgue à bouche japonais shô suscite depuis les années 1960 un intérêt tout particulier de la part des compositeurs : non seulement en tant qu’instrument soliste, mais également au sein de formations inédites, allié par exemple à un quatuor à cordes chez Toshio Hosokawa (Landscape V, 1993), à la harpe pour Cort Lippe (Music for sho and Harp, 1986), ou prenant part à la dramaturgie de la « musique avec images » d’Helmut Lachenmann, La petite fille aux allumettes (1997).
Ce renouveau, on le doit largement au talent et à la détermination d’une interprète, Mayumi Miyata, dédicataire d’un nombre considérable d’opus signés entre autres de Takemitsu, Ishii, Ichiyanagi, Cage, ou Eloy. Pianiste de formation ayant étudié le shō avec un des musiciens de l’orchestre de la cour impériale, Mayumi Miyata a fait découvrir cet instrument à des compositeurs d’horizons et d’esthétiques variés, du contemporain le plus « classique » à une collaboration avec l’artiste islandaise Björk. Elle a en outre contribué à l’élargissement de la tessiture de cet instrument en contribuant à la redécouverte du shō basse qui avait disparu de l’instrumentarium traditionnel du gagaku. A travers ce renouveau du shō, c’est aussi une redécouverte des possibilités de l’orchestre de gagaku qui se trouve stimulée par l’engagement de Mayumi Miyata, dont témoignent l’apparition de nouvelles formations, par exemple des trios de shō, se vouant à la création d’œuvres nouvelles.
L’Ensemble Gagaku Dôyûkai 雅楽道友会 , où j’ai appris le gagaku entre 1990 et 1994 comme apprentie, est un groupe de gagaku traditionnel et professionnel fondé en 1967 hors de l’Agence impériale par le Maître Hironori Sono 薗廣教師. Ce-dernier a quitté le département de gagaku de la cour juste après la Seconde guerre mondiale en raison de la réorganisation de l’Agence, et créé cet Ensemble pour la transmission du gagaku traditionnel et la fabrication des instruments de gagaku.
Dans son enseignement et son discours au quotidien, il a insisté sur la façon différente d’appréhender la mesure pour le shô, par rapport à celle au département de gagaku de la cour. Cette différence était comme l’identité musicale de notre ensemble vis-à-vis du département de gagaku, considéré comme l’héritier du gagaku traditionnel authentique. En décrivant et en analysant cette différence de la mesure pour le shô, nous réfléchissons sur la signification de l’authenticité du gagaku traditionnel hors de l’Agence impériale. Nous replacerons cette réflexion sur l’authenticité du gagaku dans le cadre plus large de la question de l’identité nationale.
L’orgue à bouche shō est un instrument fondamental dans l’œuvre musicale de Toshio Hosokawa (1955-). En collaboration avec la joueuse de shō Mayumi Miyata (1954-), Hosokawa a composé depuis les années 1980, plus d’une dizaine d’œuvres pour cet instrument (seul ou avec d’autres instruments) ; même dans les œuvres sans shō, il évoque sa sonorité avec l’accordéon qu’il considère comme son « petit-fils ». C’est grâce au contact avec cet instrument qu’il élabore quelques concepts fondamentaux de son langage musical tels que la temporalité cyclique ou la notion de « matrice ». Comme le shō est avant tout un instrument du gagaku, musique de cour japonaise, il serait aberrant dans le cas d’Hosokawa, de traiter de cet instrument hors de ce contexte.
Nous étudierons ici les différents aspects du shō dans l’œuvre d’Hosokawa pour définir précisément le rôle de cet instrument dans son œuvre.